L’ABC de la dette latino-américaine : carnet de voyage en Argentine

Je viens juste de passer deux semaines en Amérique latine à l’occasion des réunions du FMI à Lima. La région traverse divers bouleversements : recul des prix des matières premières, détérioration des bilans, croissance en berne et dégradation budgétaire, besoin urgent de réformes structurelles et problèmes politiques importants. Il y a matière à réflexion, si bien que dans les prochains jours, je vais publier une série de blogs axés sur l’ABC de la dette latino-américaine : Argentine, Brésil et Colombie.

Première étape, l’Argentine. Voici un résumé de mon voyage, notamment ce qui constitue selon moi les problèmes majeurs du pays et mes impressions à cet égard.

Après un vol de nuit sans sommeil de 13 heures au départ de Londres, j’ai décidé de me ménager pour ma première journée et de donner un caractère éducatif à ma journée de tourisme. Le Congrès argentin et le Musée de la Dette Extérieure (tous deux liés à l’évolution du marché) semblaient une préparation idéale à ma tournée d’investisseur.

Officiellement, pour en revenir à l’objet principal de ma visite, les élections législatives prévues ce dimanche ont représenté le premier sujet de conversation. De l’avis général, le prochain gouvernement sera préférable à celui en place, ce qui a aidé la dette argentine en devise forte à se placer au 4ème rang des dettes souveraines depuis le début de l’année. Malgré l’imminence des élections, il est possible que Daniel Scioli, le candidat le plus proche du gouvernement existant, remporte le premier tour. Autrement, il devra affronter un second tour en novembre contre l’un des deux candidats partisans d’une économie de marché (Mauricio Macri et Sergio Massa ; Macri est actuellement en tête des sondages). Je suis toujours convaincu de la victoire de Scioli au premier tour.

Les difficultés du pays et les mesures à prendre sont parfaitement claires. Ce qui est moins évident est à quel rythme Scioli va s’attaquer à ces difficultés et combien de temps sa période de grâce va durer auprès des marchés. A mon avis, les marchés vont lui accorder entre 3 et 6 mois avant de manifester leur impatience et de commencer à metter à l’épreuve l’approche progressive et non conflictuelle de Scioli.

L’Argentine se heurte à deux difficultés :

Primo, les réserves nettes internationales ont atteint des niveaux extrêmement bas. L’accès de l’Argentine aux marchés financiers s’est trouvé fortement restreint en raison du litige persistant avec les fonds ayant refusé la restructuration de la dette. Jusqu’à sa résolution, les contrôles des capitaux (« cepo ») restent en vigueur, ce qui gêne les investissements directs étrangers et maintient des spreads élevés alors que la réserve de liquidités du pays s’amenuise. Un accord – au moins avec les principaux créanciers récalcitrants – est une condition nécessaire mais non suffisante pour stabiliser les perspectives macro-économiques difficiles du pays. Cela permettrait à l’Argentine de lever progressivement les contrôles des capitaux, de favoriser la reprise de certains investissements directs étrangers et d’émettre de nouvelles dettes extérieures en vue de reconstituer ses réserves. Un accord devra être rectifié par le Congrès argentin, et a des chances d’être adopté, même si aucun candidat n’a atteint la majorité absolue. C’est une question de détail.

L’ABC de la dette latino-américaine : carnet de voyage en Argentine

Secundo, outre l’accord avec les fonds récalcitrants, l’Argentine doit parvenir à l’équilibre dans trois domaines :

a) Le taux de change officiel est manifestement surévalué et va probablement subir une dévaluation à un niveau intermédiaire entre le taux officiel actuel (9,50) et le marché parallèle (16,00), avec également la possibilité d’un double régime de change  ;

b) Les taux d’intérêt réels (Badlar) restent négatifs et devront augmenter pour stabiliser la dévaluation ;

c) La situation budgétaire (-6 à -7 % du PIB) est insoutenable à moyen terme, à moins d’un redémarrage robuste de la croissance. Au mieux, toutefois, nous allons assister à un ajustement de 1 à 2 % par le biais d’une réduction des dépenses et d’une baisse des subventions au secteur de l’énergie à la fin du 1er trimestre 2016.

En conclusion, la dette argentine devrait selon moi continuer à se négocier aux alentours des niveaux actuels au cours des prochains mois, dans l’hypothèse d’une victoire de Scioli (et d’un redressement si l’opposition l’emporte, ce qui n’est actuellement pas envisagé). J’entrevois également un scénario binaire après le 2ème trimestre 2016 : une correction à des rendements de 12 à 13 % si les problèmes indiqués plus haut ne sont pas réglés de manière satisfaisante, ou un rebond à moins de 8 % si c’est le cas.

La valeur des investissements peut fluctuer et ainsi faire baisser ou augmenter la valeur liquidative des fonds. Vous pouvez donc ne pas récupérer votre placement d'origine. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures.

Claudia Calich

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